ARCHITECTURE
Ingénieur originaire du Havre, Raymond Camus a mis au point un procédé de préfabrication lourde dans les années 1940. En France et à l’international, son procédé saura s’imposer sur de nombreux chantiers.
Prototype Meuble passe plat réalisé pour l'habitat tropicale Marabout . Ateliers Jean prouvé
[©Archives Michel Camus]
Habitat tropicale Marabout . Ateliers Jean prouvé 1954
Après des études au lycée du Havre, Raymond Camus (1911-1980) est élève de l’Ecole centrale des arts et manufactures, dont il sort diplômé en 1933. Sa vie professionnelle débute dans l’entreprise paternelle. Il y aura l’occasion de participer à l’Exposition universelle de 1937. De 1938 à 1942, il est ingénieur aux usines Citroën, chargé de trouver des solutions aux problèmes de logements des ouvriers. Au lendemain de la guerre, alors qu’il a acquis depuis 1942 une solide expérience dans l’entreprise de travaux publics Bancel & Choiset, ses idées se précisent. Mesurant « l’abîme » qui sépare l’industrie automobile du monde du bâtiment, il envisage dès cette époque, d’« adapter à la construction d’immeubles, les principes de la fabrication industrielle, ou en d’autres termes, faire des maisons comme on fabrique des automobiles ».
Raymond Camus part alors du constat que la préfabrication par petits éléments en vogue à l’époque est loin de donner les résultats attendus. Il met alors au point un procédé de construction utilisant de grands panneaux porteurs préfabriqués en béton. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le secteur du bâtiment connaît en France un bouleversement sans précédent. Les besoins immenses de la Reconstruction, puis de la construction massive de grands ensembles de logements sont l’occasion de moderniser le secteur. Lorsqu’en juin 1948, l’ingénieur dépose son brevet intitulé “Procédé de construction”, cela va révolutionner la manière de concevoir les bâtiments. Trois avantages essentiels sont mis en avant par l’inventeur. A savoir, la réduction au minimum des joints d’assemblage grâce à la taille importante des éléments.
Puis, l’économie d’une ossature édifiée habituellement à l’avance. Et enfin, une fabrication complète en usine garantissant une exécution optimale au point d’incorporer l’ensemble des équipements. Le recours à ce type d’éléments n’est pas une nouveauté, puisque dès 1910 l’état major américain avait employé, pour la construction de ses casernes, de grands panneaux de béton selon le procédé Aiken. Dans l’entre-deux-guerres, on utilise des procédés similaires pour la construction de cités d’habitation, comme au Betondorp, près d’Amsterdam (Dick Greiner, architecte) ou dans le cadre du Neue Frankfurt (Ernst May, architecte), en Allemagne.
Un an à peine après le dépôt de la demande de brevet, le procédé Camus reçoit l’agrément provisoire du ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU) par décision n° 319 du 22 juin 1949. Et la société d’exploitation Raymond Camus & Cie est créée. Quelque 42 brevets seront déposés par Raymond Camus, pour la plupart signés de son seul nom et portant presque tous sur la fabrication ou la manipulation de panneaux préfabriqués à base de béton armé. Dès 1950, des usines sont créées pour la mise en œuvre de ce procédé.
En 1951, un premier immeuble est bâti au Havre, dans le quartier du Perrey, îlot N17. Plusieurs dizaines de pays mettent en œuvre le système Camus : Allemagne de l’Ouest, Algérie, Autriche, Belgique, Espagne… Mention spéciale pour l’URSS qui produisit sous licence dans 300 usines ! Dans les années 1970 toutefois, la préfabrication lourde connaît un déclin. Mais au total, le système Camus compte, en 1977, plus de 350 000 logements réalisés dans 20 pays différents.
Lire aussi : – “Raymond Camus et l’avènement de la préfabrication lourde en France : vers un nouveau paradigme structurel”, Centraliens n° 625, Avril-mai 2013.“La préfabrication lourde en URSS : Concepts techniques et dispositifs architecturaux”,Natalya Solopova, Editions Dom Publishers, 2021.
Muriel Carbonnet
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